Monsieur Antoine DUPONT, âgé de 63 ans est marié sous le régime de la séparation de biens avec Martine 50 ans. Ils ont trois enfants, Pierick, Hervé, et Mathieu âgés respectivement de 25, 22 et 20 ans.
Antoine a développé une super entreprise de distribution de matériaux, deux de ses trois enfants y travaillent déjà et le dernier veut les rejoindre à l’issue de ses études dans un horizon inférieur à deux ans.
Martine a élevé les enfants et ne participe pas à la vie de l’entreprise. Antoine a un patrimoine professionnel important, constitué d’une entreprise de distribution de matériaux implantée dans quatre départements entourant la région parisienne qui connait une activité soutenue et des résultats satisfaisants.
Une société spécialisée dans l’évaluation de ce type d’entreprise a estimé que le groupe pouvait être valorisé prudemment à environ 6 millions d’euros.
Pour des raisons historiques et personnelles, chaque entreprise développe son activité dans des locaux, superbement bien situés, détenus à travers quatre sociétés civiles immobilières assujetties à l’impôt sur les sociétés, et dont une expertise récente a estimé la valeur globale à près de 4 millions d’euros.
Le dirigeant souhaite ardemment que ses enfants puissent reprendre la direction des entreprises avec évidemment leur assentiment plein et entier. Compte tenu de la différence d’âge, il souhaite protéger son épouse et bien entendu, revendication la plus classique, il souhaite faire cette opération avec un coût global raisonnable.
C’est le moment que choisit son conseil pour lui annoncer que, faute de mesures de prévention rapide, son décès, non préparé, entraînerait des coûts de succession de l’ordre de 1 200 000 € pour chacun des enfants.
Comme dirait Michel Audiard, c’est du brutal !
Antoine demande une consultation sans délai à son expert-comptable favori.
La démarche suggérée, par ailleurs tout à fait transposable à de nombreuses situations, consiste à traverser les étapes suivantes :
- Analyse du régime matrimonial
Au cas présent, peu d’avantages à une quelconque modification. Le cas échéant on pourrait réfléchir à une société d’acquêt pour sécuriser la résidence principale mais il s’agit d’un non sujet compte tenu de la cohésion familiale.
- Analyse des statuts
Comme toujours lors de la mise en place d’un pacte Dutreil, il convient avant tout de limiter statutairement le droit de vote de l’usufruitier à l’affectation du résultat. Bien sûr, il faudra en profiter pour préciser de façon non équivoque, le sort et l’affectation des dividendes en cas de distributions prélevées sur les réserves.
- Approche budgétaire post retraite
Là encore, aucune inquiétude, le dirigeant aura droit à une retraite confortable d’environ 75 000 € par an et bien entendu il aura toujours le droit à des dividendes substantiels, réversibles en partie sur Martine qui est ainsi sécurisée.
- Mise en place du pacte Dutreil
La première précaution impérative consiste à vérifier l’éligibilité de la société holding au bénéfice du régime.
Au cas présent, c’est une holding mixte, dont l’éligibilité ne fait aucun doute.
Puis il conviendra d’apporter les titres des sociétés civiles immobilières à la holding, portant ainsi la valeur du groupe post-apport à 10 millions d’euros.
Il faudra ensuite, et presque de façon concomitante, mettre en place un pacte d’associés et signer un engagement collectif de conservation. Par précaution, une convention de quasi-usufruit sera proposée.
Enfin, il conviendra de faire une donation des actions aux enfants en calculant adroitement la répartition entre donation en pleine propriété et donation en usufruit, en fonction de considérations dont l’analyse détaillée dépasserait très largement le cadre de ce compte rendu.
En choisissant dans un premier temps de limiter la donation à la nue-propriété des parts d’Antoine, le coût de la donation, grâce à l’abattement obtenu par le régime Dutreil, se limite à 47 000 € par enfant, soit un coût total d’environ 200 000 € !
À ce stade, il est possible de les faire prendre en charge directement et en totalité par Antoine, sans que cela ne fasse croitre les frais de donation. Mais, compte-tenu du peu de liquidités du dirigeant, on peut lui conseiller de mettre en place un paiement différé fractionné, qui permettra d’étaler sur une quinzaine d’années le montant des droits pris en charge par les enfants.
Dans l’idéal, on mettra en place lors de la donation des titres, une quote-part de titres en pleine propriété, afin que les dividendes perçus chaque année par les enfants puissent automatiquement servir à payer les droits dus au titre du paiement différé fractionné.
- Rédaction d’un pacte d’associés
Comme le dit la sagesse populaire, il vaut mieux prévoir le pire quand tout va bien et ainsi mettre en place des clauses habituelles sur les interdictions d’aliéner ou des clauses de sortie conjointe, mais il est sage et prudent de prévoir également des clauses de dividendes minimums ou de dividendes maximums, voire même des clauses dites de respiration, permettant éventuellement, à l’issue du délai de conservation, à l’un des enfants d’entamer une expérience différente.
- Demande de paiement différé fractionné
Il s’agit d’un travail préparatoire important, nécessitant notamment des méthodes de valorisation pour lesquelles l’administration demande systématiquement une combinaison de méthodes, le plus souvent en mixant une valorisation patrimoniale et une valeur de productivité.
Dans cette situation, la sortie ultérieure d’Antoine pourra se faire par réduction de capital, en rachetant et annulant les titres détenus par Antoine, notamment ceux en usufruit, en faisant naître de ce fait un quasi-usufruit sur la partie prélevée sur les réserves.